Les débuts d’années sont propices à la mise en place de nouveaux objectifs. Si l’on est nombreux et nombreuses à en profiter pour stopper de mauvaises habitudes, cela peut être aussi l’occasion de questionner notre mode de vie.
Entre 1990 et 2019, les émissions de l’aviation ont augmenté de 85% et ne cessent de croître depuis[1]. Cela en fait un enjeu majeur pour les années à venir si l’on souhaite atteindre la tant désirée neutralité carbone en 2050 (spoiler alert : il vaudrait mieux qu’on y arrive 😉). Mais au-delà de l’aspect climatique, le secteur du transport aérien est aussi une question sociale : 20% de la population française n’a jamais pris l’avion et 50% des voyageurs⸱ses sont des CSP+, faisant de l’aéroport un club on ne peut plus sélect[2].
I/ Comment l’avion pollue ?
Lorsque les A380 et compagnie virevoltent dans le ciel, ces derniers émettent (entres autres) :
- du dioxyde de carbone (CO2), un gaz à effet de serre très (trop) connu qui participe activement à la hausse des températures terrestres
- des oxydes d’azote (NOx) et du monoxyde de carbone (CO) qui contribuent à la pollution de l’air, impactant de fait l’environnement ET la santé humaine (comme ça pas de jaloux)
- des cirrus, plus communément appelés « mais si tu sais, c’est les trainées blanches derrière l’avion », qui emprisonnent la chaleur et réchauffent l’atmosphère
A cela on peut rajouter les émissions en amont (l’extraction du kérozène), et on se retrouve une addition bien salée comme il faut : plus d’une tonne de CO2 par personne pour un vol Paris – NYC lorsqu’il est préconisé de ne pas dépasser 2 tonnes par an et par personne. Il ne reste donc pas grand-chose pour manger et respirer le reste de l’année disons.
II/ Et la compensation carbone dans tout ça ?
Soucieuses de l’environnement (ou de leur business ?), de nombreuses compagnies aériennes proposent désormais de compenser ses déplacements en avion en soutenant financièrement des projets allant dans le sens de la neutralité carbone. Magie ! Mais comme dans toute prestidigitation, il y a des trucages :
- Il y a tout d’abord un problème de temporalité : si les gaz à effet de serre d’un déplacement aérien sont émis à l’instant T, leur future « séquestration » via des plantations d’arbres ou la mise en place d’énergies renouvelables ne prendra effet que dans plusieurs années, et on n’a pas le luxe de repousser l’échéance
- De plus, nos puits de carbones (nos forêts, nos océans…) sont limités : s’ils peuvent absorber approximativement 4 milliards de tonnes de CO2 par an, on en émet près de 35 milliards à l’heure actuelle. Donc dans tous les cas, une réduction s’impose
- Et enfin, le risque des systèmes dits de compensation est l’effet rebond : si l’on affirme que les vols ne présentent plus un souci environnemental, nombreuses seront les personnes à davantage utiliser ce mode de transport, faisant augmenter considérablement les émissions
III/ Fini de voyager alors ?
Pour beaucoup, la réduction voire l’arrêt de l’avion signifie « il est fini le temps du voyage ». Pourtant, il existe pléthore de manière de voyager plus éthiques, que ce soit en France ou ailleurs. Evidemment, en fonction du temps dont vous disposez, certaines destinations vous serons plus ou moins accessibles. Cependant, vous serez surpris⸱e⸱s de jusqu’où le covoiturage, le bus ou le train peuvent vous amener : la Norvège, l’Italie, la Turquie, l’Allemagne, sans oublier notre propre pays qui regorge de paysages tous plus variés les uns que les autres.
Pour s’aiguiller dans la démarche de séjours plus lents, Greenpeace a mis en ligne un guide qui permet de trouver son excursion touristique responsable[3], pour un week-end jusqu’à plusieurs semaines. Dans la même lignée, le site « Direkt Banh » recense toutes les liaisons ferroviaires d’une ville, afin de faciliter la recherche de trajets en trains (parce qu’on sait que cela peut vite devenir un casse-tête)[4]. Enfin, l’ADEME a mis à disposition un calculateur d’émissions carbone qui permet de comparer les émissions des différents moyens de transports du déplacement que vous souhaitez effectuer, histoire de choisir en pleine conscience[5].
IV/ Et si la solution était de changer de philosophie ?
Au-delà de vouloir remplacer ce que l’on a toujours fait par des alternatives plus durables, il peut s’avérer intéressant de questionner notre rapport au voyage et la manière dont on nous a toujours appris à le faire : vite, loin, productif, facile et instantané. Dans son ouvrage « Le manuel de l’anti-tourisme », le sociologue Rodolphe Cristin souligne le fait que l’envie de s’évader rapidement et brusquement est souvent liée à un quotidien monotone et drainant. Ainsi, le temps que l’on passe à s’échapper pourrait être utilisé à construire une existence que l’on aurait moins envie de fuir. Et lorsqu’escapades il y aura, parce qu’il n’est pas question de les éradiquer de nos vies, elles seront plus lentes, plus inattendues, plus instinctives. Et comme il est écrit dans ce livre « il faut retrouver l’essence du voyage : préférer le chemin à la destination, et disparaître plutôt qu’apparaître partout ».
Sources
[1] https://presse.ademe.fr/2022/09/transport-aerien-3-scenarios-pour-une-transition-ecologique.html
[2] https://librairie.ademe.fr/cadic/7365/elaboration-scenarios-transition-ecologique-secteur-aerien-infographie.pdf
[3] https://www.greenpeace.fr/voyage-ecologique/
[5] https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/bureau/deplacements/calculer-emissions-carbone-trajets